Ici est ma mort... Et la tienne? (Pv Ghalor)

Azaëlle avait volé jusque là, dans ce cimetière, son cimetière, celui qui l'avait vu agonisée lentement, dans les bras de la pureté incarnée. Celui qui avait vu un de ses cercueils se déterrer pour accueillir une nouvelle créature des ténèbres les plus sombres. Elle redevint humaine, et se posa doucement au sol. Il était jonché de ronces en de nombreux endroits, tandis que des fleurs en certains endroits avaient poussé, depuis son dernier passage en ces lieux... Elle sourit. Elle y avait amené Shanores un jour, alors qu'il était toujours en vie. Et lui avait appris combien la vie était belle, et lui avait appris combien il était beau de pouvoir respirer, rire, parler, alors que la terre sèche recouvrait des visages et asphyxiait des poumons, là en-dessous, invisible...

Elle leva le regard sur ses habits. La fine robe qu'elle avait vétu avant de partir, s'était déchirée durant le trajet. Chose qui lui donnait plus l'air d'une mendiante jouissant à moitié d'une vie qui lui glissait entre les mains, que celui de la princesse des nécromants, richissime et belle comme une ange, dont elle incarnait le rôle. Elle sourit, c'était parfait.

Elle s'accroupit alors au sol, à même la terre, qui l'avait vu naître de sa mort, et toucha le sol de ses mains fragiles.
Elle attendait quelque chose, une chose plus belle que la plus pure des beautés, la Vie. Elle attendait la vie, celle qui l'avait tué, et qui en tuerait d'autres...

La bataille au village venait de se terminer et j'avais trouvé le courage de quitter les autres dans ces sombres heures.
Je me dirigeai vers le cimetière pour y retrouver ma défunte mère... Je passai alors le porche de ce lieu maudit, ce lieu qui vous prends les personnes les plus chères à vos yeux.
Je le traversai jusqu'à m'accroupir sur la tombe de ma mère et commença à lui parler, comme si j'espérais une quelconque réponse de sa part…

Mère… Veuillez m'excuser; j'ai faillis perdre la vie, celle que vous m'avez donnée tout en perdant la votre…
Je vous promets que je ne serais plus jamais faible, je ne faillirais plus devant rien.

Cette mère qui est la mienne; nous aurions pu passer de mémorables moments ensemble, les moments que doivent passer une mère et son fils. Mais elle m'avait quitté dès ma naissance. Cette pensée m'amena les larmes aux yeux mais aucune ne s'échappa, je venais de faire une promesse et je la tiendrais. Je continuai alors à parler, parler dans le vide…

Sarulf est différent ces temps ci. Je ne sais pas ce qu'il lui arrive mais il est comme…"métamorphosé".

Je ne savais pas trop quoi dire, j'étais venu ici pour trouver un coin calme et une personne que j'aime… Je restai assis devant cette pierre tombale, le cœur plein d'émotions…

Je me retourna en entendant un peu plus loin une voix douce et légère, et pourtant lourde de sous-entendus et de peine. Un jeune homme était là un peu plus loin.
Je souris légèrement, il était une vie parmis beaucoup d'autres, et seul pour combler le tout... Un enfant fragile de peine, orphelin d'une mère probablement aimante et douce, comme toute... Je voulus rire, mais quelque part c'était attendrissant et émouvant. Mais ces sentiments je voulais les oublier, ils n'auraient pas à m'envahir pour m'adoucir devant la fragile créature.

Je m'approcha alors de lui, et déposant avec douceur une main sur son épaule, je murmura:

"N'ayez de peine, pensez qu'elle est peut-être mieux où elle se trouve... Peut-être ce monde de guerre n'était-il pas fait pour elle, et que ce n'est que délivrance pour elle d'être partie... Je suis persuadée qu'elle vous regarde et est fière de vous, même si vous faites des erreurs, comme tout le monde..."

Ma voix avait été douce et légère, maternelle un peu...
J'attendis alors sa réaction, espèrant qu'il n'avait pas eu peur de ma soudaine présence, mais s'en sentait plutôt rassuré...

Une main se posa sur mon épaule. En temps normal, je me serais sûrement retourné dans un sentiment de panique mais cette promesse… Je ne fis rien pour déloger la main de la personne se trouvant derrière moi. Une voix douce s'éleva, une voix de femme. Celle ci me dit que ma mère était probablement mieux là où elle était… Le ton de sa voix me donnait une confiance certaine pour elle et ses mots ne me quittèrent plus.
Je me relevai doucement, l'obligeant à retirer sa main, et je me retournai. Elle se tenait juste devant; elle s'était approchée sans que je ne l'entende. Voilà maintenant que je la dévisageais: elle était d'une grande beauté et paraissait plutôt jeune.
Je parvins tout de même à lui répondre.

Vous avez peut être raison… Sauf qu'elle ne doit pas être fière de moi, elle s'est comme sacrifiée pour moi et je ne prends pas soin de son cadeau…

Après une courte réflexion, je me rendis compte que je ne la connaissais pas.

N'avez vous pas de clan?

Je restais alors face à elle en attendant à nouveau la chaleur rassurante de sa voix.

Sûre de moi, j'étais parvenue à le charmer de mes atours séducteurs et vocaux. Je m'en réjouissais intérieurement, la partie commençait bien, ne restait qu'à garder sa confiance.

"Toute mère est fière de son fils, quoi qu'il fasse... Il reste humain et comme tous il fait des erreurs, pardonnables... Et puis vous êtes vivant, n'est-ce pas une victoire arrachée à la mort? Et par là même une fierté que votre mère vanterait à tous, et vous en comblerait de baisers maternels..."

Je lui caressa doucement la visage pour le détendre.
Le fait qu'il me dévisage ne me dérangeait pas le moins du monde, rien en moi ne montrait la haine qui faisait bouillir chacune de mes veines. Et plus encore elles s'étaient affolées de rage lorsqu'il avait prononcé plus tôt le prénom de Sarulf, le traître. Ce jeune garçon était pour sûr du clan des loups. Allez savoir maintenant quelle relation il entretenait avec Sarulf, pour ainsi en parler sur la tombe de sa mère... Une pierre à mon échaffaudage...

"L'habit ne fait pas le moine, jeune homme, retenez-le bien... Dites-moi par quel prénom puis-je appeller ce joli visage d'ange?"

Je lui souris aimablement.

Une victoire arrachée à la mort? Je ne voyais pas cela de cette façon mais elle avait réussi à me convaincre. Elle avait un esprit de persuasion incroyable à mes yeux qui est, de plus, augmenté par son charme.

Vous avez raison, c'est une victoire arrachée à la mort…

Elle me caressa doucement la joue et un frisson me parcourut le corps. Je ne pus m'empêcher de lâcher un sourire. Pour je ne savais quelle raison, j'aimais sa présence.
Vint le moment où elle me demanda mon prénom.

Je me nomme Ghalor.
Je suis le frère du chef du clan des loups, Sarulf ; peut être le connaissez-vous.

Désormais, elle connaissait mon prénom et il me fallait lui demander le sien.

Et vous, quel est votre prénom?

En attente de la réponse, je me surpris à la contempler de toute part.

Je crois bien que rarement on ne m'avait fais pareil cadeau. Lui, le seul jeune homme inconnu que je croisais depuis des jours entiers, était le frère du seul autre jeune homme que j'avais croisé depuis des lustres et à qui je devais vengeance, et des plus terribles... J'avais du mal à y croire, et pourtant pas une once de mensonge ne battait dans sa voix et dans son petit coeur, qui semblait si calme que j'aurais pu être sa propre mère, il n'aurait pas battu avec tant de légèreté et de douceur...
Une pierre de plus? Non, des fondations entières venaient d'être posées à terre pour moi, et me l'étaient tendues avec un plateau d'argent où on lisait le nom de 'Sarulf' et son adresse, et en prime derrière son numéro de portable...
J'aurais souri, d'un immense sourire de fierté et de plaisir si je ne m'étais pas retenue pour ne pas lui faire croire en des semblants qui pourraient m'être défavorables...

En son coeur, il me gardait déjà comme une ange divinement tombée au bon moment dans la tristesse de sa vie, alors je le comblerai cet enfant, et lui donnerai ce qu'il voulait... Une ange? Qu'il en soit ainsi...

"Je me nomme Gabrielle, et je suis enchantée de faire votre connaissance Ghalor, frère de Sarulf..."

Je lui souris.

"Non, je n'ai pas le plaisir de connaître votre frère, ou tout juste de nom, car un chef de clan ne passe que rarement inconnu aux oreilles d'autrui, en dehors de celui qui tient les ficelles des nécromants, qui semble sans nom connu..."

Le tout serait de me débrouiller pour qu'il ne cherche pas à me présenter à son frère avant un moment... Celui que je déciderai pour lui...

"Dites-moi, quand est-elle morte, votre douce mère? Si ce n'est trop indiscret..."

Je voulais lui poser des questions sur Sarulf, mais si je le faisais, il se sentirait rapidement lèsé, chose qu'il ne faudrait pas faire...

Il était si beau ce jeune homme, que je me demandais comment j'allais pouvoir me servir des fondations qu'il serait pour amadouer son cher frère...

Gabrielle… Voilà un nom que je n'étais pas prêt d'oublier; elle se comportait comme une mère avec moi. Du moins je le pensais car je n'avais jamais vraiment vécu ce sentiment auparavant. Malgré cela, j'étais réconforte et j'avais le cœur léger… Jusqu'à ce qu'elle demande quand ma mère est morte. J'essayais de ne pas montrer ma tristesse et j'eus le courage de lui répondre.

Sa vie l'a quittée lors de ma naissance.
C'était à moi de mourir, pas à elle…

Je voulais paraitre fort et ne pas faire transparaitre mes sentiments à cet instant. Mais j'avais besoin d'en parler et, d'une certaine façon, je lui retournai sa question.

Votre mère vit-elle toujours?

Cette question paraissait étrange; si sa mère vivait toujours, un sentiment de malaise risquerait de s'emparer de moi. J'attendis sa réponse, en la fixant de mes yeux brillants à la fois de contemplation et de tristesse.

Le pauvre enfant, j'avais beau vouloir me jouer de lui, et de sa fragilité pour retourner la veste de Sarulf, mais il était vraiment attendrissant dans son mal-être et sa peine. Je lui fis un léger sourire maternel, en fronçant un peu les sourcils, pour lui montrer que je prenais bien la situation au sérieux, et que j'en compatissais...

"Ne dites pas de pareilles choses, personne ne mérite plus qu'une autre de vivre..."

Cette remarque qu'il avait dite me traversait le coeur tout de même, il semblait tellement penser ses paroles qu'il en était effrayant de bonté. Je m'approcha encore de lui, et dans un geste rapide et doux à la fois, je le serra dans mes bras. J'étais à peine plus grande que lui, de deux ou trois centimètres. Mais c'était assez pour faire glisser sa tête dans mon cou, et poser la mienne contre la sienne. Il avait besoin de tendresse et d'amour cet enfant, et le fait que je m'en rende compte me transperçait le coeur autant que la peine qui se dégageait de lui, comme une sphère d'impuissance et de malheur.

"Ma mère est... Morte, elle aussi... De cela, il y a fort longtemps. Mais je n'ai pas la chance d'être une si bonne fille, que vous étiez son fils, je pleure de sa mort souvent, et pourtant je n'ai rien fait pour la rendre heureuse tant qu'il en était encore tant..."

Là mon regard s'assombrit un instant, je songeai à tous les autres que j'avais tué et que je n'avais jamais aidé dans leur détresse, et aux nombreuses larmes qui me coulaient pourtant encore pour chacun d'eux... Mais je m'adoucit, pour lui caresser doucement les cheveux.

Ses paroles avait un sens des plus grands à mes yeux et je me laissais entrer dans une confiance certaine.
Elle me prit ensuite dans ses bras et je laissai glisser ma tête dans son cou. Elle colla alors sa tête à la mienne. Rares sont ceux qui m'avaient pris dans leurs bras mis à part Sarulf et mon père. Mais elle, c'était comme si elle me donnait de l'amour, comme maternel, et je ne pus le refuser. A mon tour, je la serrai fort dans mes bras.
Elle me dévoila que sa mère était morte et qu'elle n'avait rien fait pour la rendre heureuse.

Toute mère est fière de son enfant même si, comme tous, vous avez fait des erreurs, c'est vous même qui me l'avait dit.

Je me dégageai alors de son étreinte et lui adressai un sourire.

Je pense qu'il est temps pour moi de partir... A moins que vous ne voulez me dire quelque chose d'autre.

Je restai alors façe à elle en attente de sa réponse, mon sourire toujours aux lèvres.